De plus en plus d’entreprises autorisent leurs employés à un certain nombre de jours de télétravail nomade. Du côté de l’employé, les avantages paraissent évidents, les risques le sont moins. En revanche, qu’en est-il pour l’employeur et les assurances de l’entreprise ? Nous parlerons ici essentiellement des assurances sociales et non d’assurances privées ou de prestations basées sur des conventions collectives de travail.

Le cas du télétravail régulier à l’étranger:

Normalement les personnes exerçant une activité professionnelle en Suisse sont soumises à la sécurité sociale helvétique malgré que ceux-ci habitent à l’étranger; cependant, il existe des exceptions. Tout d’abord, revenons sur l’accord sur la libre circulation des personnes entre la Suisse, l’Union européenne et l’Association européenne de libre échange (AELE): Les ressortissants suisses ou d’un état de l’UE/AELE qui exercent des activités salariées simultanément ou en alternance dans plusieurs pays (Suisse et UE/AELE) sont soumis au régime de sécurité sociale de leur Etat de résidence s’ils y exercent une partie substantielle de leurs activités. Une partie substantielle est respectée lorsque 25% de l’ensemble des activités sont exercés dans l’état de résidence (art. 13, par. 1 du règlement [CE] n° 883/2004).

Suite à la nouvelle tendance managériale de télétravail post COVID, certains pays de l’UE et AELE ont décidé de conclure un accord entre eux dans le but d’adapter la notion d’activité substantielle. Cet accord prévoit que les personnes travaillant dans l’Etat où se trouve le siège de l’employeur peuvent effectuer jusqu’à 50.1% de télétravail transfrontalier (au maximum 49.9% du temps de travail) depuis leur état de résidence. La Suisse a signé cet accord multilatéral le 01.07.2023. Il en est de même pour 18 autres pays à savoir : l’Allemagne, Autriche, Belgique, Croatie, Espagne, Finlande, France, Liechtenstein, Luxembourg, Malte, Norvège, Pays-Bas, Pologne, Portugal, République Tchèque, Slovaquie, Slovénie, Suède. A noter que l’Italie (pays frontalier) n’a pas validé cet accord pour le moment. Cela signifie qu’un employeur engageant une personne résidente en Italie ayant une activité en Suisse et dans le pays de résidence devra payer les charges sociales italiennes.

Cette mesure est également respectée si l’employé effectue du télétravail, à savoir au moins 25% de son temps sur territoire Italien. Il est important de souligner que l’une des conditions d’application de l’accord est que l’alternance entre le télétravail dans l’état de résidence et le travail sur place se fasse avec une certaine régularité.

En cas de « détachement » temporaire à l’étranger:

Selon la commission administrative de l’Union européenne pour la coordination des systèmes de sécurité sociale, les pays appliquant les règles de coordination européennes ont convenu en ce qui concerne le télétravail de l’interpréter de manière uniforme relative au détachement. Le détachement est également possible pour du télétravail transfrontalier temporaire et ponctuel à plein temps (100% du temps de travail). Il faut un accord de l’employeur et de l’employé. L’employeur pourra détacher des employés dans un état de l’UE/AELE pour une durée maximale de 24 mois (prolongation possible sous réserve) pour autant que les 2 conditions suivantes soient remplies (ch. 2024 ss des directives sur l’assujettissement aux assurances AVS et AI – DAA):

  • S’ils étaient assurés en Suisse immédiatement avant leur départ (on part, en principe, d’une durée d’assurance préalable d’un mois)
  • S’il est prévu qu’ils travaillent à nouveau en Suisse pour le même employeur à la fin de la période de détachement

Un détachement est, par exemple, possible dans les situations suivantes:

  • Prise en charge de proches à l’étranger
  • Raisons médicales
  • Fermeture des bureaux pour rénovation
  • Télétravail depuis une destination de vacances

Pour l’instant ces conditions s’appliquent également pour le Royaume-Uni, mais ne concernent pas les détachements dans le cadre d’accords bilatéraux de sécurité sociale avec d’autres États en dehors de l’UE/AELE- Il faut se référer aux accords. L’employeur qui souhaite bénéficier du détachement pour 24 mois au maximum devra faire l’annonce directement à sa caisse de compensation AVS. Si les conditions sont remplies, la caisse AVS établira une attestation A1 (anciennement formulaire E101) pour l’employeur qui la transmettra au travailleur détaché. Si la période de 24 mois est insuffisante, une demande de prolongation devra être faite à L’Office fédéral des assurances sociales (OFAS) à Berne, qui tentera de trouver un accord particulier avec l’institution compétente du pays de l’activité temporaire.

Il est également possible de bénéficier d’un détachement pour les pays hors de l’union européenne mais avec une convention entre les deux pays (Albanie, Australie, Bosnie-Herzégovine, Brésil, Canada, Corée du Sud, Chili, Chine, Iles anglo-normandes, Inde, Israël, Kosovo, Japon, Macédoine du Nord, Monténégro, Philippines, République Saint-Martin, Royaume-Uni, Serbie, Tunisie, Turquie, Uruguay, USA): S’il n’y a pas de convention, les personnes assurées pourront continuer leur assurance AVS/AI/APG/AC avec l’accord de l’employeur à condition d’avoir été assurées pendant cinq années consécutives au moins, immédiatement avant de commencer leur activité à l’étranger. Les travailleurs et les employeurs doivent présenter une demande conjointe à la caisse de compensation AVS de l’employeur dans un délai de 6 mois. Les employés peuvent également restés assurés en Suisse pour une durée de deux ans (prolongation possible de 4 ans supplémentaires) pour l’assurance accident.

Le système de prévoyance suisse est unique et très complexe. Le traitement conforme au droit des assurances sociales en Suisse vous réserve, en tant qu’employeur, de nombreux devoirs et tâches. Ils s’accompagnent de risques qui peuvent s’avérer coûteux pour votre entreprise si vous ne les gérez pas de manière appropriée.

 

 

Focus sur la retraite transfrontalière:

Un peu plus de 1 actif sur 10 en Suisse est un ressortissant de l’Union Européenne. Avec la Libre circulation des personnes, ce chiffre est en constante augmentation et, par conséquent, entraine des situations d’assurances et de retraites dans plusieurs états ce qui rend la compréhension du système complexe.

Prenons l’exemple du régime général français: l’âge minimum est fixé entre 62 et 64 ans (âge légal). Il est fixé à 62 ans pour les personnes nées entre 1955 et le 31 août 1961. Pour les générations suivantes, il augmente de 3 mois par an.

Pour bénéficier d’une retraite à taux plein dès l’âge légal de la retraite, il faut réunir un certain nombre de trimestres de cotisations variables en fonction de l’année de naissance. Si la durée d’assurance est moindre, le montant de la rente de vieillesse sera réduit. Néanmoins dès l’âge de 67 ans, la retraite est calculée au taux plein (50% quel que soit le nombre de trimestres). Le calcul de la pension est basé sur 3 éléments :

  • Le revenu annuel moyen
  • le taux de liquidation
  • la durée de l’assurance qui permet de déterminer le taux de liquidation de la pension.

En parallèle, la sécurité sociale suisse fonctionne sur un principe de 3 piliers ayant 2 systèmes différents: le premier basé sur un revenu annuel moyen avec une durée d’assurance et l’autre sur un système de capitalisation.

Zoom sur la demande de retraite des pays européens (UE/AELE) et Suisse :

Avoir travaillé dans un ou plusieurs pays de l’Union européenne et en Suisse ainsi qu’avoir atteint l’âge légal de la retraite permet de demander l’ouverture d’une pension de vieillesse de base. Dans ce cas, un seul Etat est compétent pour recevoir l’ensemble de cette demande. C’est le principe du guichet unique mis en place depuis l’entrée en vigueur des accords bilatéraux. En l’occurrence, l’Etat de résidence est compétent. Les périodes effectuées dans ces pays seront alors prises en compte pour le calcul de la retraite de base française en tant que périodes validées (mais non cotisées).

Chaque pays (UE / AELE) procédera au calcul de la retraite du salarié expatrié en prenant en compte l’ensemble des périodes de cotisation validées dans un autre Etat. Pour calculer le montant de la retraite de base du salarié expatrié, chaque caisse de retraite d’Etat doit calculer le montant de la retraite nationale puis celui de la fraction de la retraite dite « européenne ». La caisse étatique versera la rente la plus élevée des deux au salarié. Chaque pays européen procédera de la même façon avec ses propres règles notamment pour ce qui concerne l’âge légal de départ en retraite ou encore le nombre de périodes validées.

Grâce à notre expertise en matière d’assurances sociales et à notre longue expérience en conseil aux employeurs, notre équipe hautement qualifiée vous aide à comprendre la complexité de ces sujets, à éviter les risques et à utiliser vos ressources de manière efficace.